INTERVIEW DES AUTEURS DE "L'OR D'EL OUAFI"

1/ Votre album L'Or d'El Ouafi vient de gagner le Prix Bulles de Sport 2023, récompensant la meilleure BD de sport de l’année. Que vous inspire cette récompense ?

Paul Carcenac : Un grand honneur, c’est toujours flatteur de savoir que notre travail est apprécié par des passionnés de sport et de BD. Je suis aussi content pour El Ouafi, qui d’une certaine façon gagne aussi ce prix avec nous, et en plus pour la deuxième année consécutive. C’est un bel hommage à sa mémoire que lui rend votre jury.

Pierre-Roland : Gagner un prix est toujours une reconnaissance d'un travail. Ici, c'est toute une équipe qui est encouragée avec cette distinction à poursuivre dans cette belle dynamique. L'Or d'El Ouafi rappelle une chose : le 9e art n'est pas seulement une occasion de raconter des histoires, mais aussi, de faire passer des messages. Que cet album n'ait pas laissé insensible est bon signe !

Christophe Girard : d’un point de vue « graphico-sportif », c’est la troisième fois que je me retrouve nominé pour le Prix Bulles de sport. Je suis très fier d’accéder au sommet du podium grâce cette histoire qui porte haut les valeurs humanistes.

 

2/ Pouvez-vous nous parler de la naissance et de la réalisation de ce travail ? A-t-il nécessité une recherche documentaire approfondie ? Quelles ont été vos sources ?

PC : Ce que j’ai aimé, c’est travailler à partir d’articles de journaux d’époque et d’archives. Ce fut le plus enrichissant. Il a fallu faire des recherches sur El Ouafi mais aussi sur le contexte : les usines Renault, les cirques américains, la 1ere Guerre mondiale… Mais ce travail documentaire ne représentait qu’une partie du travail, car il y a une large part de fiction. Nous avons comblé les trous de l’histoire. Cet album, c’est notre regard à nous sur la vie d’El Ouafi, ce n’est pas un travail d’historien, ni même vraiment de journaliste.

CG : La recherche iconographique est toujours primordiale pour moi, j’essaie toujours de dessiner avec le plus de documents référents que je n’hésite pas à reproduire dans mes cases. Je peux citer un film d’entreprise qui  m’a beaucoup aidé pour Boulogne-Billancourt, les archives cinéma du C.I.O. et de Pathé cinéma, ma passion pour le « militaria » et la moitié de ma belle-famille est d’origine Algérienne, cela m’a beaucoup aidé.

 

3/ Comment s'est passé le rapport scénaristes / illustrateurs ?

PC : J’ai contacté Christophe Girard car je trouvais qu’il avait une manière de dessiner le mouvement et le sport tout à fait virtuose. Je l’avais découvert grâce à sa BD sur Poulidor (« Raymond », Mareuil Editions, sortie en 2018). Il se trouve que quelques semaines auparavant, Pierre-Roland l'avait rencontré à un salon !

PRSD : Écrire à quatre mains est toujours un challenge que j'ai relevé avec plaisir. Paul et moi, nous nous connaissons depuis plusieurs années et j'ai été heureux de pouvoir l'accompagner dans sa première BD. Quant à Christophe, il est de ces dessinateurs qui réussissent à s'approprier un sujet et à le sublimer par leur travail.

CG : j’aime travailler avec des scénaristes qui me laissent libre. J’ai un accord moral : faites-moi confiance et je me défoncerai pour vous.

 


4/ Nicolas Debon a également réalisé une BD sur El Ouafi, Marathon, (Prix Bulles de sport 2022 !!!) avec un tout autre angle ? L'avez-vous lue ? Qu'en avez-vous pensé le cas échéant ?

PC : Au moment de sa sortie, la nôtre était déjà bien avancée. J’ai d’abord été surpris car je ne pensais pas que quelqu’un d’autre aurait eu l’idée d’adapter l’histoire d’El Ouafi en BD. Mais quand j’ai lu l’album, je me suis rendu compte que le travail de Nicolas Debon était tout à fait différent. Le sujet est le même mais ce sont deux albums qui ont des propos, que ce soit pour le scénario mais aussi l’aspect graphique, tout à fait singuliers.

CG : Je me suis refusé à la lire pour ne pas être influencé. Je ne l’ai toujours pas fait, je vais m’y mettre. Je sais juste que le dessin est très très beau.

 

5/ Fabrice Colin et Philippe Langenieux-Villard ont écrit un roman biographique (que je n'ai pas lu) sur El Ouafi. L'avez-vous utilisé pour votre scénario ?

PC : Non car je savais que leurs œuvres comportaient une large part de fiction, et faire la distinction entre la réalité et ce qui relève du travail du romancier peut être compliqué. Nous ne voulions pas être influencés par des faits que nous aurions cru réels, alors qu’ils sortaient de l’imagination des écrivains.


 

6/ Beaucoup de journalistes choisissent le format essais, récit ou roman. Pourquoi avez-vous choisi la BD ? Est-ce un hasard de rencontre ? 

Pierre-Roland : C'est à l'occasion du festival de BD d'Illzach en Alsace, événement que je couvrais comme journaliste il y a vingt ans, que j'ai eu l'occasion de mettre le pied à l'étrier. J'avais des histoires à raconter et les organisateurs du festival m'ont donné la possibilité de le faire en BD. Ma première BD consacrée à ma région a ainsi impliqué des grands noms comme Hermann et Chabouté.

 

 

7/ Comment s'est fait le choix de l'éditeur ?

Paul Carcenac : J’ai envoyé le dossier à l’éditrice du département BD de Michel Lafon, Laetitia Lehmann, qui a été assez enthousiaste. Elle a été conquise à la fois par l’histoire et aussi par le dessin de Christophe.

 

8/ Jamel Debbouze aurait racheté les droits de cette histoire pour en faire un film : pouvez-vous nous en dire plus ?

PC : Nous n’avons pas vraiment d’informations. Je pense qu’un projet de film, ça prend du temps.

PRSD : Que le film se fasse ou pas, on peut se réjouir, là encore, de constater que l'album a retenu l'attention.

 

9/ Quels sont vos BD de sports préférées ?

PC : J’ai bien aimé « Zátopek » (Des ronds dans l’O). Et une autre BD où le football est en toile de fond : « La patrie des frères Werner » (Futuropolis), dont l’histoire se déroule en marge du match RDA – RFA de la coupe du monde 1974.

 


CG : Je citerai à bout de bras  chez Delcourt qui parle de la boxe, de la famille Acariès et qui m’a enthousiasmé. J’aime les histoires fortes. Je m’auto-citerai avec Mon tour 64 , mon deuxième album avec Raymond Poulidor et Jeff Legrand. Raymond est mort pendant l ‘écriture et j’ai mis toute mon énergie dans ses pages en hommage  à cette idole qui est devenu peu à peu un ami très cher.


10/ Est-ce que vous envisagez de travailler de nouveau sur une thématique sportive ?

Paul Carcenac : J’ai un projet sur une autre personnalité du monde du sport, du tennis cette fois. Avec Fabien Ronteix, le dessinateur de l’album « Hinault » (Mareuil Editions) nous cherchons actuellement un éditeur.

Pierre-Roland : Le sport est une discipline riche en histoires, en enjeux et en actions. Elle peut être aussi tragique. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour écrire des intrigues inspirées de faits réels ou imaginaires. Il ne faut jamais oublier l'homme qui se cache derrière l'athlète.

 

11/ Quels sont vos projets actuels ?

PC : A part cette BD, j’ai deux autres projets. Plus dans le genre polar, qui m’intéresse également.

Pierre-Roland : Mon prochain album, intitulé Plein Ciel, paraîtra le 1er septembre aux éditions Ankama. Ce projet a été réalisé avec un dessinateur prometteur, Michael Crosa, qui a réussi avec émotion et talent à retranscrire le quotidien dans une tour de 22 étages, où sans prévenir, tout bascule... Quatre autres albums sont également en cours : le premier est un récit d'anticipation autour de la liberté, les deux suivants abordent de manière assez originale la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, et le dernier, très réaliste, pourrait se résumer par une rencontre du troisième type version aquatique !  

CG : Depuis El Ouafi, deux autres albums sont sortis : Le matin de Sarajevo chez Glénat avec Jean-Charles Chapuzet sur les débuts de la première guerre mondiale, nous sommes nominés pour le prix du livre d’histoire contemporaine 2023, remise au panthéon le premier juin, suspens ! Puis MBS, l’enfant terrible d’Arabie saoudite chez Steinkis/Les escales, avec Antoine Vitkine et qui raconte la course au trône du futur roi saoudien et des conséquences géo-politiques.

Maintenant, je travaille à deux albums, un sur le Kurdistan et Daesh, l’autre sur la Shoah avec Pierre-Roland justement. Trois autres albums attendent ensuite, un se passera en Italie, l’autre en Russie, le dernier en France toujours historiques et puissants. Ils sont écrits, signés, yapuka !

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