Caroline Capodanno, pourquoi les auteurs de BD ont souvent un pseudo ? Parlez-nous du votre !
Je voulais un pseudo pour qu’on ne connaisse pas mon vrai nom, pour être tranquille. J’habitais à l’époque à Paris, et je fréquentais le quartier Château Rouge, où il y avait plein de marabouts africains qui distribuaient des flyers avec leurs noms dessus : « Monsieur Roger », « Monsieur François » etc… Ils promettaient monts et merveilles, du coup, je me suis dit que j’allais m'appeler « Mademoiselle Caroline » et régler les problèmes du monde en dessins.
Votre album Protocole Commotion vient de gagner le Prix Bulles de Sport 2024, récompensant la meilleure BD de sport de l’année. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Caroline, ex-parisienne, habitant désormais en pleine montagne depuis 25 ans, entourée de chèvres, cheveaux, ânes, et vaches. Passionnée de ski, de montagne, de randonnée, et de dessins. Maman de trois enfants, de 21 et 17 ans.
Que vous inspire cette récompense ?
De la fierté parce que cet album compte beaucoup pour moi.
Pouvez-vous nous raconter l'histoire de ce projet ? Comment est née l’idée de cet album ? Comment s'est passé le processus de création / réalisation ?
J’ai joué au rugby pendant 7 ans, ce sport à tellement changé ma vie, la perception que j’avais de moi et de mon corps, que je me suis dit qu’il fallait que j’en parle un jour. D’où l’idée de faire une bd, puisque c’est comme ça que je m’exprime. J’ai pris des notes pendant tout ce temps, comme toujours dans ma vie, et je les ai compilées pour en faire une espèce de bible …
Une fois le scénario plus ou moins écrit, j’ai fait un storyboard mettant mes idées au clair et ensuite, je dessinais page par page… trait et couleurs en même temps.
Le sport a-t-il été un prétexte pour traiter du sujet de l'émancipation dans le couple ou était-ce le sujet de base dont vous souhaitiez parler ?
Absolument pas le sujet de base, mais quand on est une fille qui pratique un sport de mecs, on se prend inévitablement dans la tête des réflexions de gros cons machistes…et c’est vraiment très très lassant. Alors je me suis fait un petit plaisir en la faisant en couple avec un crétin de base.
Quelles étaient vos influences pour réaliser Protocole Commotion ? Films, BD, romans...
Le Top 14, les 6 nations, mon club, mon équipe.
Je lis très très peu de bd, donc pas d’influence de ce côté là…
Côté écrits, j’adore ceux de monsieur Rusigby, qui décrit admirablement bien, pour ne pas dire à la perfection, ce qui se passe dans un club de rugby, au sein d’une équipe…
Avez-vous enquêté sur le terrain (dans les clubs, aux bords des matchs...) ?
Oui, pendant 7 ans. 90% de ce qui se passe dans la bd (niveau sport) est inspiré du réel…. Les coéquipières de mon héroïne sont mes amies, les coachs sont ceux de mes fils, le club est le mien, etc etc …. Certains dialogues ont vraiment été prononcés…
Pratiquez-vous des sports ? Si oui lesquels ? Avez-vous des idoles sportives ?
J’ai arrêté le rugby, mais je fais toujours beaucoup de ski, de randonnées, je cours avec mon chien, je fais du renforcement musculaire, du VTT en été, et j’aimerais bien me remettre au tennis.
Côté idole, j’ai Antoine Dupont, avec qui j’ai eu la chance de travailler sur une BD, « Je serai rugbyman », il est surhumain et me fascine vraiment… physiquement, sportivement il est dingue, et il est aussi extraordinairement intelligent.
En ce moment, j’idolâtre pas mal ma voisine, Suzanne Tapper, qui est ultra-traileuse, et qui à 57 ans est arrivée première de sa catégorie sur un +100 km avec quelque chose comme D+… impensable pour moi, j’ai un cardio déplorable…. Quand j’arrive à courir 10km, je suis heureuse.
Avez-vous déjà lu des BD de sport ? Si oui, quelles sont vos préférées ?J’ai lu celle de Maud, sur Clarisse, qui est arrivée deuxième ! Mais je lis peu de bd… je ne me souviens pas….
Les 3 premières places du Prix évoquent le sport féminin : est-ce une lame de fond d'après vous ?
Si les hommes nous laissent un peu de place, oui.
Vous êtes très prolifique. Êtes-vous H24 en train de dessiner ?
Oui. Vraiment. Rien ne me fait plus plaisir que dessiner et surtout, concevoir. Trouver des idées, j’en ai plein. Même si c’est exténuant intellectuellement.
Vous avez une boutique avec des goodies/gadgets sur votre blog ? Volonté de votre part ? Source de financement à part entière pour pouvoir dessiner à côté ?
Un peu de tout ça, mais en fait, ça me prend beaucoup trop de temps, donc je l’ai mise en sourdine… Je faisais tout moi-même et ça me prenait trop de temps…
L’édition BD/Manga est très « concurrentielle » en raison du nombre de titres qui sortent chaque semaine. Le vivez-vous comme une compétition ou cela a-t-il une influence sur votre façon de travailler ?
Pas du tout, on ne fait pas du tout la même chose, je ne pense pas qu’on se marche sur les pieds. Ce n’est pas le même lectorat.
Vous faites partie du collectif des créatrices de bande dessinées contre le sexisme ? Comment vous êtes-vous décidée à vous impliquer dans cette initiative/ce mouvement ?
Oh c’était il y a suuuuuuuper longtemps, quasiment au tout début…. Je suis restée discrète dans le groupe, je lisais plus que ne parlais… J’avais trop peur dire des bêtises, et puis comme je ne vais plus trop sur Facebook depuis des années, donc j’ai un peu perdu le fil.
Est-ce à dire que vous souhaitez n’aborder la BD que dans les thématiques liées au sexisme, au sort des femmes dans la société ?
Non pourquoi ?
Cela sous-entendrait que si vous êtes dans un groupe pro-tomates, vous ne voulez plus manger de courgettes…
Quel est le titre qui traite du sexisme que vous préférez ?
Je ne sais pas, je ne lis pas trop sur le sujet… Je suis plutôt récits d’expéditions, Oscar Wilde ou Philippe Jaenada…
Sur la page Wikipédia qui cite un article de l'Express (2014), on lit que vous vouez « un culte sans partage » pour Claire Bretécher. En quoi cette femme est-elle importante pour vous ? Qu’est-ce qui vous marqué dans son œuvre ? Un titre à nous donner en particulier ?
Je viens d’une famille où lire des bédés étaient assez mal vu, sous-entendu quand vous lisez des BD, c’est parce que vous ne savez pas lire.
Et mon parrain mettait un point d’honneur à m’offrir à chaque anniversaire des bédés. Il m’avait notamment offert toute la série des Agrippine. Ça a été une révélation, j’étais épatée de la qualité de son trait, de la fabuleuse façon dont avec si peu de détails, elle arrivait à rendre parfaitement une position. J’adorais son écriture. J’adorais ses mots. J’adorais tout chez elle. Et elle était terriblement irrévérencieuse. C’était délicieux. Quasiment la seule femme à l’époque dans un monde d’hommes. Elle paraissait si forte. J’admire ça vraiment chez elle aussi.
Merci Mademoiselle Caroline !!
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